Viser sans tirer

Rencontres Différées

24/09/2009 11:19



    Dans la tiédeur d’un matin d’automne, ils allaient tous deux , main dans la main, gambader dans la fraîche campagne respirant la douceur de l’aube. Un légère brume recouvrait le sol, attendant le lever du soleil pour disparaître et se muer en nuages.
    Soudain, il s’arrêta et lui fît signe de ne pas remuer ses charmantes lèvres. Un oiseau saluait de son champ mélodieux le jour qui se levait. L’envoûtante sérénade provenait d’un bosquet d’arbres situé une dizaine de mètres plus loin.
    Les deux jeunes gens progressèrent silencieusement pour ne pas effrayer l’oiseau qui entonnait de plus belle les quelques notes de son répertoire. Arrivés au pied d’un massif conifère, toujours sans bruit, il s’embrassèrent passionnément, s’enlaçant avec une telle force qu’on eut cru que rien au monde, pas même la mort, n’eut put les séparer.
    Après cette étreinte, ils se regardèrent amoureusement et se sourirent. Un doux zéphire fit frémir les feuilles de l’arbre sur lequel ils étaient tous deux accoudés, les yeux dans les yeux, hors du temps. Il regarda le ciel. Dans l’ensemble, il était grisâtre, seul l’endroit d’où le soleil devait de lever était parsemé d’un peu d’orange.
    Le bruit d’un klaxon le sortit de sa torpeur. C’était un beau rêve qui, il l’espérait, deviendrait réel, mais pour le moment, il était las, avec son bouquet de fleurs dans sa main droite, face au soleil couchant, seul. Il regarda sa montre : 21h. Dans une dizaine de minutes, elle serait là.
    Chaque vendredi soir, Clémence prenait par le bord de mer pour rentrer chez elle après son cours de piano. Sa silhouette fine et gracieuse se profilait toujours face à la plage au moment où le soleil était le plus majestueux. Elle se plaisait à s’arrêter regarder la mer et à sentir une douce brise marine lui caresser le visage. Chaque vendredi soir, depuis bientôt trois ans maintenant, Jordan la regardait passer sans rien faire, tapi dans l’ombre d’un buisson, il contemplait ses longs cheveux blonds onduler au gré du vent. Parfois, il croisait son regard sans qu’elle le voit, c’était pour lui des instants magiques où il éprouvait un bonheur profond ainsi qu’une peur a priori illogique.
    Après qu’elle soir passée, il restait à l’endroit où elle s’était arrêtée et respirait à pleins poumons son parfum qui le remplissait d’une douce mélancolie.
    Il était d’un naturel discret, personne ne le remarquait quand il suivait Clémence du regard.
    Ce soir, il avait pris son courage à deux mains et attendait sans bouger le passage de la jeune fille.
    C’était un grand jeune homme bien bâti disposant d’une chevelure aussi noire qu’une nuit sans lune. Il attendait, sans impatience ni craintes.
    Soudain, il aperçut sa silhouette se profiler au loin sur le trottoir bordant la plage. Il serra son bouquet plus fort. Chaque pas qu’elle faisait résonnait dans le cœur de Jordan comme milles cloches sonnant ensemble.
    Il s’étais mis au beau milieu du chemin pour montrer qu’il attendait quelqu’un. Clémence était loin de se douter que c’était elle. Il pensa à ce qu’il allait lui dire, mais dès qu’elle fut face à lui, il ne trouva pas les mots. Complètement perdu, il fourra le bouquet dans les bras de la jeune fille qui poussa un cri de surprise et s’extirpa de cette situation embarrassante en s’enfuyant. Il l’entendit l’appeler, mais il ne se retourna pas. Comme il fut doux ce bref contact physique.
Le vendredi d’après, il était là, au même endroit, prostré, à l’attendre. Quand elle le vit, elle ne parut pas le reconnaître tout de suite.
_Mademoiselle !
    Ce mot fut dur à dire pour Jordan, il provenait du fin fond de ses entrailles.
_Non, madame.
    Cette réponse le cloua sur place, il la regarda comme un oiseau perdu dans l’immensité du ciel et elle lui répondit :
_Mais je vous reconnaît ! Vous êtes le type au bouquet de fleur !
_Vous devez vous tromper, je ne vous ai jamais vue.
_Si, c’est vous ! La façon dont vous m’aviez interpellée m’avait interloquée.
_Mettons, que ce soit moi, qu’est ce que ça change ?
_J’ai toujours eut un faible pour les originaux. Je vous paie un verre ?
_Pourquoi pas.
    Et Jordan la suivit sans mot dire. Ses chances d’un jour la serrer dans ses bras venaient d’être divisées par cent, il arrivait malheureusement pour lui trop tard.
    Le café choisit n’avait rien d’original. Un bistrot dans lequel elle avait, lui dit-elle, ses habitudes.
_alors comme ça vous êtes mariée ?
_Oui. Oh, ça ne fait pas longtemps, à peine un an.
_Vous avez des enfants ?
_Non, pas encore. Mon mari n’en veut pas, et moi c’est le contraire. Et vous, vous faites quoi dans la vie ?
_Je travaille à la SNCF, c’est pas souvent marrant mais ça m’occupe et sa renfloue mon compte en banque à la fin du mois.
_Moi je conduis des taxis. En parlant avec les clients, on apprend plein de choses.
_Je veux bien vous croire, pas contre, il faut être social.
_C’est une des conditions, bien évidemment. Vous avez quelqu’un ?
_Pardon ?
_Dans votre vie, je veux dire, vous avez quelqu’un ?
_Non.
_Vous avez quel âge ?
_26 ans, et vous ?
_Pareil. En tout cas, aux premiers abords, vous semblez plutôt sympathique.
_On me le dit souvent mais personne ne va plus loin.
_Qu’est ce que vous voulez dire par là ?
    A ce moment, Jordan prit les mains de Clémence et lui dit en la regardant dans le fond des yeux :
_Clémence, que ce soit bien clair entre nous, je vous aime plus que tout. Je n’ai jamais osé vous le dire et maintenant, il est trop tard, alors je ne m’immiscerais pas dans votre vie. Je vais partir et ne plus revoir.
_Ne raisonnez pas comme ça, Jordan. Vous finirez bien par tomber amoureux de quelqu’un d’autre, dit-elle les larmes aux yeux
_Non, je vais partir, sinon je serais tenté de vous revoir et ce serait néfaste pour nous deux.
    Elle ne le connaissait que depuis quelques quart d’heure et sans savoir pourquoi, elle était triste qu’il parte.
    POur ne pas rendre cet adieu encore plus embarrassant, il se leva et, furtivement, posa ses lèvres contre les siennes.
    Il ne la revit plus jamais.



    La maîtresse, Mme Lemât, avait quelques années en trop à son actif. Elle dirigeait une classe de CP remplie de bambins emplis de naïveté et d’insouciance. Très professionnelle, jamais un de ses élèves n’avait redoublé, et ce depuis qu’elle enseignait.
    Il y avait Thomas, un petit blond aux yeux marron clair qu’elle appréciait beaucoup, bon élève et surtout très en avance sur les autres. Benoît, les cheveux coupés très court, grand brun toujours souriant dans n’importe quelle situation. Un jour, il s’étais cassé le poignet à la suite d’une petite chute et n’avait pas versé une seule larme, cet incident influençant à peine un peu sur sa jovialité habituelle. Vanessa, petite fille aux yeux d’un bleu si profond qu’on croirait s’y noyer quand on les regardais, était elle aussi toujours contente mais pas très maligne. Sylvie, grande pour son âge, réservée et timide, également un peu maladroite. Benjamin, brun aux yeux noirs dit « le moyen », tout simplement parce qu’il était de taille moyenne, qu’il avait des résultats moyens, une force moyenne bref, tout situé entre le fort et le faible. Jordan, garçon bavard et indiscipliné mais très attachant et enfin, Clémence, charmante petite fille blondinette aux yeux verts, pas très grande mais extrêmement sociale.
    Puis, dans la classe de Mme Lemât, il y avait les autres, ceux dont elle se souviendra le temps de l’année scolaire.
    Elle se plaisait à regarder jouer les enfants dans la cour de récréation, à les observer crier et chahuter en tout sens.
    Mme Lemât aimait aussi leurs discussions naïves et espiègles sur leur vie future. Un jour, Clémence lui avait même confié qu’elle voulait devenir institutrice plus tard. Cela l’avait fait sourire.
    En classe, Jordan et Clémence se mettaient toujours ensemble, dans le fond. Ils discutaient souvent et semblaient très bien s’entendre, un peu trop car parfois elle était obligée de les rappeler à l’ordre.
    Clémence apprit à lire assez facilement tandis que Jordan avait plus de mal, aussi lui donnait-elle des conseils, avec sa petite voix de petite fille.
    Dans l’ensemble, tout allait bien. Jordan traînait avec sa bande de copains, dont Benoît et Thomas faisaient partis, et ils jouaient au gendarme et au voleur ou à chat perché ou encore Loup glacé. De son côté, Clémence passait son temps avec Sylvie, les deux enfants s’entendant à merveille.
    Un jour, Jordan vînt voir Clémence qui était avec Sylvie :
_Tu viens jouer ?
_Si tu veux.
    Jordan l’emmena dans un des recoins de la cour où jamais personne ne vient.
_Tu sais, je t’aime beaucoup.
_Moi aussi Pourquoi tu dis ça ?
_Tu sais, les grands, quand ils s’aiment beaucoup, ils se font des bisous sur la bouche.
_Et alors ?
_ça te dirait de faire comme eux, vu qu’on s’aime beaucoup ?
_Mais enfin, on est trop petit !
    La réponse toucha profondément Jordan. Il n’eut pas envie de pleurer, il ressentit comme une lassitude au niveau de la poitrine, comme si elle avait du mal à se soulever.
    La maîtresse, Mme Lemât, les regardait de loin. Comme d’habitude, elle souriait légèrement. « Eux et leur petits jeux », se disait-elle souvent. Ce qu’elle ne pensait pas, c’est qu’un enfant peut être grand sans l’être vraiment.



    En l’espace d’un mois, son visage était passé de la lande écossaise aux montagnes tibétaines, cette transformation se répercuta sur son succès auprès des jeunes filles. Il s’appelait Jordan, silhouette musclée, cheveux bruns et torse velu. Il avait survécu à quatorze hivers et avait affronté quinze étés.
    Il était dans un lycée de campagne, calme et convivial, dans une classe où 23 autres jeunes restaient aussi interloqués que lui devant l’escalier infernal de l’adolescence.
    Les filles étaient trop maquillées et pas assez critiques, les garçons étaient trop musclés et pas assez intelligents, bref, dans l’escalier, certains y laissaient leur bon sens.
    Quoi qu’il en soit, il se plaisait dans cet établissement. Chez lui, il s’ennuyait en ne faisant rien, ici, il s’ennuyait en faisant quelque chose, c’est ça la magie des écoles.
    Il se mettait toujours au fond la classe pour mieux ignorer le cours et dormir en paix. Devant lui, à chaque heure de cours, siégeait une charmante demoiselle blonde prénommée Clémence. Jordan regardait souvent la coupe ondoyante de la jeune fille, si bien qu’un jour, elle s’en aperçu :
_Dis donc, t’es pas gêné de me mater !
_Je regardais tes cheveux. Ils sont magnifiques.
_C’est ça ! Tu crois que je vais te croire ?
_Crois ce que tu veux, je m’en fous. T’as de beau cheveux, je les regarde, point barre. Si t’es pas contente, choisi une autre place.
_Tu t’appelle Jordan, non ?
_Ouais.
_Moi c’est Clémence.
_Je m’en fous.
    Ainsi avait débuté le premier dialogue entre les deux jeunes gens. L’affaire semblait mal engagée, mais c’était sans compter la patience de Clémence. Au départ très éloignés, ils se rapprochèrent et devinrent très bons amis.
    Une semaine de discussions amena Clémence à venir s’installer à côté de Jordan en cours, ils s’ennuyèrent à deux.
    Ils étaient internes et avaient du temps devant eux pour parler, le soir entre le repas et le coucher et le matin entre le lever et le petit-déjeuner.
    A cet âge, l’homme et la femme sont souvent gauches et timides, aussi s’aimaient ils tous deux sans pour autant se le dire ni se le montrer.
    Ce soir là, un soir d’hiver, il avait neigé dans la cour du lycée. Jordan avait un épais manteau légèrement trop grand qui lui tenait bien chaud. Clémence n’ayant pas prévu ce froid mordant n’avait qu’une petite veste printanière. Elle grelottait.
    Jordan s’approcha du banc où ils avaient l’habitude de se mettre après manger. Il dégagea la neige le recouvrant et s’assit. Clémence était debout, devant lui, claquant des dents, les lèvres bleuies par le vent glacial.
_T’as pas trop froid ?
_Je suis gelée, dit elle en se frottant les mains.
_Tu veux mon manteau ?
_Et toi ? Tu vas geler.
    Tous les deux pensaient à la même chose : le manteau était assez spacieux pour accueillir deux personnes.
    Ils se regardèrent dans les yeux. Il ouvrit sa fermeture éclair et elle vînt se blottir contre lui, sans bruit, et referma le manteau. Ils étaient au chaud, serré l’un contre l’autre.
    Les lèvres de Jordan effleurèrent celles de Clémence une fois, puis deux. Les bras de la jeune fille passèrent autour de son cou. Leur visage se rapprochèrent et ils s’embrassèrent.
    Ensemble, ils partirent loin de la cours froide du lycée, loin de l’hiver. Ce baiser les emporta au dessus de tout, des montagnes, des nuages, au delà des frontières du réel, plus loin que la plus lointaine planète. Ils s’aimait, c’est tout.
    Après ce contact, ils se virent en dehors des cours pour vivre pleinement leur amour qui fleurissait comme une rose dans un jardin. Le ciel gris était bleu, le vent froid était chaud, tout semblait différent.
    Un soir, alors qu’ils étaient tous deux dans la maison de Jordan, occupés à regarder un film minable, ils sentirent qu’ils étaient près à le faire. A cet âge, les garçons sont plus imprudents que les filles. Il voulait ne faire qu’un avec elle sans protection, elle n’était pas d’accord et le repoussa en lui lançant :
_Je ne suis pas prête !
    Il ne voulait rien entendre et se rua sur elle comme un bête ayant perdu la raison. Elle le gifla et courut loin d’ici.
    Le lendemain, il ne l’approcha même pas, de toutes façons, elle l’aurait repoussé. Une semaine passa, puis deux sans qu’ils ne de croisent, même du regard, et un jour arriva où, pendant la dernière heure de cours, il vînt s’asseoir à côté de Clémence.
_J’ai réfléchi pour l’autre soir, c’est toi qui avait raison, comme toujours.
_ça change rien.
    Il sortit de sa poche un préservatif qu’il lui présenta.
_J’ai envi de toi et j’ai de bonnes raisons de penser que c’est réciproque.
    Clémence resta perplexe, il avait retourné sa veste un peu trop facilement à son goût. Elle le regarda et au bout de quelques secondes de réflexion, acquiesça.
    Ils se revirent le soir même dans la maison de Jordan. L’instant fut magique, tous deux perdirent ensemble ce qu’il leur restait de l’enfance.
    Jordan se sentit gêné devant le corps dévêtu de clémence. Il se glissa entre ses jambes ouvertes et posa sa tête contre ses seins, elle lui caressa tendrement les cheveux. Le moment fatidique approchait, ils semblaient absents. Serrés l’un contre l’autre, ils sentaient leur deux cœur battre la chamade.
    Il prit appui sur le matelas et souleva son torse du ventre de la jeune fille, puis il remonta et ils ne furent plus qu’un, brusquement, hors de tout. Ce fut bref, il se retira vivement et recommença une dizaine de fois l’opération jusqu’à ne plus tenir et se laissa aller dans Clémence.
    De son côté, elle avait mal, autant entre les jambes qu’au fond de sa poitrine, mais c’était pour mieux repartir vers sa vie amoureuse future.
    Ils étaient là, l’un dans l’autre, détendus et heureux, unis par cet indéniable lien qu’est l’amour.



    C’était jour de fête à la maison de retraite. Une charmante vieille dame fêtait ses 90 ans. Tous les pensionnaires s’étaient réunis autour d’une même table pour honorer le mieux possible ce formidable évènement qu’était cet anniversaire.
    C’était André, le centenaire, qui avait préparé une gigantesque tarte à la fraise séparée en deux : un côté pour les diabétiques, un autre pour les sains du pancréas. Tous les petits enfants de Clémence égayaient de leur mieux l'havre de paix où les cris des bambins faisaient si souvent défaut.
    La vieille dame souriait beaucoup, joyeuse d’avoir arraché 90 printemps à la vie qui tantôt l’avait fait souffrir, tantôt l’avait fait sourire, mais jamais ne l’avais abandonnée. Elle sentait la vitalité peu à peu s’estomper de son corps ravagé par les années.
    Son souffle autrefois calme et régulier s’emballait parfois quand elle pensait à la mort, à sa mort. Clémence l’acceptait comme une délivrance, mais cela ne l’empêchait pas de trembler
car on sait ce qu’on perds mais on ignore ce qu’on trouve.
    Chaque soir depuis quelque temps, juste avant d’aller se coucher, elle avait froid, seule dans son lit, comme si la vie effritait un peu plus chaque jour le lien qui la maintenait vivante.
    Ses petits enfants étaient charmants mais indisciplinés, ce qui gênait certain pensionnaires habitués au calme et à la sérénité de leur maison de retraite. Les parents se levèrent et les rappelèrent à l’ordre une fois, puis deux et à la troisième, le deuxième fils de Clémence gifla sa petite fille qui ne voulait pas se calmer. La fillette ne manqua pas d’éclater en pleurs et courut se réfugier dans les bras de son arrière grand mère qui la réconforta, toujours souriante.
    Jordan, un grand père de 89 ans se leva et lança :
_De mon temps, mon père y allait à coups de ceinturons pour me calmer, quand j’étais petiot. A côté de ça, une gifle, c’est une caresse !
    Il enleva sa ceinture qu’il tendit à Romain, le père de la petite indocile :
_Va y mon gars, montre lui que c’est toi le chef sinon elle te respectera pas plus tard !
    Romain, ceinturon en mains, resta perplexe devant la fillette qui, ayant compris la scène, lui faisait des yeux ronds.
_Tu sais pas comment faire ? Redonne-moi ce fichu ceinturon, je vais te montrer moi !
    Tout le monde éclata de rire après cette intervention de Jordan, Clémence lui prit le bras et dit :
_Mesdames, messieurs, voici mon cavalier pour le bal !
    François, un vieil homme chauve et moustachu installa un électrophone dans un coin de la salle principale dans lequel il mit un vieux vinyle. Jordan et Clémence valsèrent toute l’après-midi ensemble. Tous les invités se régalèrent avec la succulente tarte d’André qui fit chavirer plus d’un estomac.
    A 10h, tout était fini. Les pensionnaires se retrouvèrent entre eux, pas longtemps d’ailleurs, car à leur âge, ils retrouvent petit à petit le cycle de sommeil qu’ils avaient jadis quand ils étaient bébés.
_Je me suis amusée comme un fou, confia Jordan à Clémence.
_Vous dansez drôlement bien.
_Vous n’êtes pas trop mauvaise non plus, répondit-il.
    Ils se sourirent timidement. Elle lui dit :
_Si j’avais 50 ans de moins, je crois bien que je vous aurais embrassé.
    Embarrassé, Jordan lui répondit :
_On ne revient jamais en arrière.
_J’ai eus un bon mari serviable et fidèle, des beaux enfants intelligents et bien élevés, mais parfois, je me dis que ma vie n’a jamais rien eue d’original.
_C’est sur que le bilan n’est pas trop positif, mais mieux vaut mauvais bilan que pas de bilan du tout.
_D’après vous, vaut-il mieux vivre une vie courte et palpitante plutôt qu’une vie longue et fastidieuse ?
_Il faut vivre une vie longue et palpitante.
_Dans le temps, vous deviez être très séduisant. D’ailleurs, vous l’êtes toujours.
_Je vous retourne le compliment, répondit-il en souriant, vous n’êtes pas trop mal conservée non plus !
    Trop d’années les séparaient de leur naissance pour qu’ils s’enlacent, c’est bien connu, quand on est vieux, on ne retombe pas amoureux. Que nenni, l’enveloppe est fripée mais le contenu reste intact.
    Clémence est morte quelques semaines plus tard et Jordan ne tarda pas à suivre le même chemin.
    Ils furent enterrés à plusieurs kilomètres l’un de l’autre, chacun avec son conjoint respectif.

 

    Jordan et Clémence n’ont jamais changé, ils se sont rencontrés à chacun des âges les plus marquants de la vie et ont essayé de s’aimer. Les lieux diffèrent mais l’amour reste, tantôt sages et respectables, tantôt immatures et railleurs , ils se sont découverts ; malgré tout, la mort à réussi à les séparer.
    Ils sont heureux à présent, ni jeunes, ni vieux, ensemble dans un lieu qui n’existe pas et ils s’aiment.
    Cette nouvelle n’a jamais vraiment commencée, elle ne finira jamais tout à fais.
    Cher lecteur, en espérant avoir capté votre attention, vous avoir détendu ou irrité, avoir , veuillez agréer l’expression de mes plus sincères salutations et recevoir tous mes vœux de bonheur et d’amour.

Rechercher dans le site