Viser sans tirer

Photographie Mortelle

21/09/2009 10:00

Prologue :

    Jason Tamy enfila sa veste, éteignit les lumières de son bar et ferma la porte à clé. Il releva son col sous l’effet du froid, quelques flocons de neige tombaient négligemment sur la chaussée.
    Jason jeta un œil au ciel et inspira profondément. La météo avait annoncé des températures inférieures à zéro pour les jours à venir, il supportait difficilement l’ambiance hivernale.
    Comme il n’y avait jamais de place de parking libre dans la rue où son bar siégeait, il était contraint de se garer dans les ruelles avoisinantes. Par temps estival, cela lui permettait de marcher un peu avant d’aller travailler mais en saison froide, les 300 mètres qui le séparaient du bistrot semblaient ne jamais devoir finir.
    Son pas était vif et son corps était assailli par des tremblements de plus en plus violent et imprévisibles, il sentait son nez se boucher au fur et a mesure de son avancée. Ses dents claquèrent, il eut beau essayer de contrôler cette agitation musculaire, rien n’y faisait. Jason passa rapidement sa main sur son front, il était brûlant.
    
De la fumée s’échappait des cheminées, montrant bien que la température nordique dominait. Les chiens ne réclamaient pas leur promenade habituelle, les chats ne semblaient pas partir vadrouiller, préférant le matelas chaud et confortable de leurs compagnons humain. La jeune femme qui d’ordinaire allait chercher son pain à vélo avait choisi ce soir la voiture.
Jason pestait contre lui-même de ne s’être pas assez couvert durant sa journée de travail. Maintenant, il courait presque, impatient de se retrouver dans la chaleur douillette et artificielle de son auto. Pour oublier le froid, il se remémora la canicule qui avait sévit l’été précédent. Il se revit chercher un coin d’ombre, passer ses journées à la piscine de son quartier tant le soleil frappait fort. Il se souvenait de la panne de son réfrigérateur, incapable de se maintenir en dessous de 10 degrés, et plein d’autres anecdotes encore. Il esquissa un sourire : à chaque fois qu’il avait chaud, il disait préférer le froid et inversement. L’éternel insatisfait.
Jason aperçut sa voiture qui l’attendait sagement. Il se frotta les mains et glissa sa main dans la poche intérieure de sa veste ; le matin, c’est là qu’il les rangeait après être arrivé et elles ne quittaient pas l’endroit sombre de la journée. Le fait qu’elles n’y soient pas ne l’inquiéta nullement, il songea que sa poche était trouée, aussi palpa t-il sa veste, explorant au toucher la doublure.
Jason fut soudain prit d’un vertige Il s’assit sur le capot et glissa sa tête entre ses mains puis il prit une grande inspiration et regarda la ruelle étrangement déserte, les volets des maisons alentours étaient clos. Personne, pas une trace de vie.
Il remarqua qu’un silence d’outre-tombe régnait, pas un vrombissement de moteur, pas un klaxon, pas une voix, rien.
Jason se releva et reprit sa recherche. L’inquiétude l’enveloppa de doutes concernant ses clés, il ne se sentait pas assez bien pour retourner au bar. Sa fièvre montait au rythme ou la température extérieure chutait, il se dit que s’il perdait connaissance, personne ne viendrait le secourir, et par ce froid, la mort l’emporterait en moins d’une heure.
Ses jambes flageolèrent, il tomba par terre dans un grand bruit en tentant de se rattraper au capot.
La légère couche de neige qui recouvrait la chaussée lui fit reprendre ses esprits. Il se mit à quatre pattes et s’assit contre la roue. Il glissa sa main dans la poche de son pantalon à la recherche de son portable et trouva un vieux mouchoir, une pièce de 10 centimes mais aucun téléphone.
Son anxiété redoubla, il se souvenait distinctement avoir remit son portable dans sa poche après l’appel de son amie Julie Debay pour savoir si elle devait l’attendre pour manger. Jason se releva et entreprit de rentrer à son bar pour téléphoner quand soudainement tous les lampadaires s’éteignirent, plongeant la rue dans la pénombre. Jason sentit son cœur battre à en déchirer sa poitrine, il palpa une nouvelle fois son manteau, farfouillant frénétiquement le moindre recoin sans grand espoir.
Tout à coup, les phares de la voiture stationnée juste derrière la sienne s’allumèrent. Il entendit la portière s’ouvrir et quelqu’un en descendre.
_Excusez-moi, auriez vous un portable ? J’ai un problème de clé.
    L’inconnu demeura étrangement muet. Jason ne distinguait rien du fait qu ‘il avait les phares presque en pleine figure, il ne faisait que deviner sa présence.
_Vous m’entendez ? J’ai froid, je suis malade, vous avez un portable s’il vous plaît ?
    Il n’eut pour réponse que le vent qui soufflait dans ses oreilles. Une boule se forma dans sa gorge, il sentit sa peur s’accentuer, s’approchant de plus en plus de la panique.
_Répondez s’il vous plaît. J’ai froid, j’ai mal à la tête, je vous en prie.
    Il entendit l’inconnu sortir quelque chose de sa poche. Un peu de soulagement calma son cœur emballé par le stress. La personne continua de se murer dans un silence oppressant. Quelques dizaines de secondes passèrent avant que Jason s’emporte.
_Répondez, bordel ! Vous pouvez m’aider ou pas ? ! Dites quelques chose !
    L’inconnu pouffa. Jason, de plus en plus inquiet se retourna et commença à marcher vers son bar.
_Oh !
    Il se retourna.
_Sourit.
    Jason vit une lumière violente illuminer la rue, il ressentit une violente douleur au niveau de la poitrine puis une détonation terrible perça ses tympans. Il se sentit partir en arrière. Sa respiration se bloqua, il sentit un liquide chaud se répandre sur son torse puis glisser le long de son flanc. Jason perdait son corps, la douleur et la fièvre s’estompèrent, il était juste glacé par un froid implacable, profond. Il ferma les yeux et partit sans bouger.
    Jason Tamy était mort.

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