Viser sans tirer

Chapitre I

24/09/2009 12:39



    Cela faisait plusieurs heures que Jacques Monna roulait, la radio en bruit de fond. L’homme avait hâte de rentrer chez lui après sa dure journée de travail. Passer sont temps à contrôler les professeurs est certes enrichissant mais la concentration est primordiale et cette dernière demande de l’énergie.
    Il sortit de la quarte voie pour s’engager dans une petite route de campagne au revêtement fatigué, usé par le temps, aussi bien celui des heures que celui de la pluie. Jacques sentit la fatigue prendre le dessus sur son attention. Il bailla à s’en décrocher la mâchoire et regarda l’heure : 22h30. Il pensa à sa femme qui avait l’habitude de lui faire de violents reproches quand il rentrait passé 21h. Depuis qu’il avait surmonté le stade du deuil, il repensait souvent à elle, à ce qu’elle aurait fait comme commentaire devant telle où telle situation, mais personne ne l’attendait ce soir, comme tous les autres soir depuis bientôt deux ans.
    Songeur, Jacques ne vît pas le feu rouge et entendit un concerto de klaxon saluer son étourdissement. Arrivé au rond-point carré menant à sa rue, il fut surpris de constater que les réverbère étaient en grève.
    Il passa le bistrot « chez Jason », remonta la ruelle jusqu’à l’épicerie de la mère Sanchez comme on l’appelait dans le quartier, puis entra dans le parking souterrain de son immeuble. A la mort de sa femme, il n’avait pas eut le cœur de garder leur maison de campagne.
    Jacques monta les escaliers, l’ascenseur étant comme de coutume en panne, se planta devant la porte, ouvrit cette dernière et s’aperçut qu’il avait oublié son portefeuille sur le siège passager de sa voiture. En temps normal, il ne serait pas descendu, mais il y avait à l’intérieur un morceau de serviette en papier sur lequel était inscrit le nouveau numéro de téléphone de sa sœur qui venait de déménager. Il devait la rappeler le plus vite possible pour convenir d’un soir où ils pourraient se retrouver autour d’un bon repas, c’est pour cette raison que Jacques referma à contrecœur son appartement à clé et redescendit les escaliers menant au parking.
    Son portefeuille en poche, il s’apprêtait à rentrer chez lui quand un bruit d’arme à feu fit vibrer les mur. Jacques pensa d’abord qu’un voisin regardait un film de guerre, le son poussé à fond, mais la détonation provenait du bas de la rue. Il remonta au rez-de-chaussée et sortit pour voir ce qui se passait.
    Une fois sur le trottoir, il aperçut les feux arrière d’une voiture qui roulait à vive allure vers le rond point carré qu’il avait emprunté quelques minutes auparavant.
    Jacques fut prit d’un étrange pressentiment. Il entendit une sorte de râle étouffé, un bruit presque imperceptible mais glaçant. Cela excita sa curiosité.
    Comme on n’y voyait goutte, il sortit une mini lampe porte-clé de sa poche. Elle n’éclairait pas comme une ampoule de salon mais la lumière produite était suffisante pour différencier les murs des voitures.
    Il avança sans crainte, toujours en baillant à intervalles régulières. Aucun bruit ne venait troubler le silence qui s’était installé depuis quelques temps et semblait ne jamais devoir finir.
    Jacques fut contraint par la bise de réajuster sont écharpe, car il était très sensible de la gorge et du fait attrapait les angines à la pelle.
    Arrivé au bout de la rue, il changea de trottoir, persuadé que la détonation était le fruit de son imagination. Soudain, il s’immobilisa au milieu de la rue. Un détail l’avait intrigué. Jacques s’approcha d’une voiture garée tout près du rond point carré et s’aperçut qu’une masse humaine reposait dessous. Jacques pensa d’abord que c’était un clochard bourré, mais il ne l’entendait pas respirer. Il prit sont courage à deux mains et tourna sa lame vers le cadavre.
    Jacques eut un haut le cœur si violent qu’il crût vomir ses tripes. Le sandwich et le coca qu’il avait avalé en guise de dîner se retrouvèrent sur la chaussée. Il glissa le long d’un mur et se retrouva par terre sans quitter la voiture des yeux. Jacques resta quelques dizaine de secondes assis, le temps de reprendre ses esprits puis il sortit son portable et composa le 17.

    L’inspecteur Marri avait trouvé le film qui passait ce soir là complètement rasant et pourtant, il l’avait regardé jusqu’au bout.
    A présent, il était plus de minuit. Marri se leva, éteignit la télévision, enfila un vieux pyjama et courut se glisser dans son lit.
Il gigota pendant un bon quart d’heure entre son matelas et sa couette, cherchant vainement le sommeil, puis, résigné, il ralluma la lumière et s’assit sur le rebord de son lit. Marri se leva et partit boire un verre de lait dans la cuisine, ensuite, il rentra dans son bureau et relut pour la énième fois la lettre de démission qu’il comptait remettre à son supérieur le lendemain matin. Il en avait assez de la police, à son goût, un homme normal et un policiers n’avaient pas du tout la même mentalité.
Il en avait marre de supporter ses collègues obsédés par le chiffre : Son commissariat se divisait en deux catégories d’agents ; ceux qui jouaient le jeux et ceux qui étaient contre. Bien sûr, ces derniers avaient plus de difficultés à monter en grade et à voir leur salaire augmenter, mais ils respectaient une certaine éthique des forces de l’ordre, et c’est pour ça que Marri démissionnait. Ses supérieurs lui ressassant sans cesse qu’il fallait coopérer pour évoluer l’épuisaient avec leurs discours modérateur à l’égard de sa conduite. Il qualifiait cela de bourrage de crâne.
Ne trouvant pas le sommeil, le futur ex-inspecteur Marri s’assit dans son canapé et ouvrit son journal à la page des mots croisés. En cas d’insomnie, c’était pour lui le remède qui marchait à tous les coups.
Au bout de six mots, il sentit la fatigue peser sur son corps. Il éteignit toutes les lumières et tomba doucement dans les bras de Morphée.
Environ 10 min après s’être endormi, Marri entendit le téléphone sonner.
L’inspecteur sursauta et mit quelques secondes à reprendre ses esprits. Il se leva à contrecœur et partit vers le socle de son téléphone. Dès qu’il prit l’appareil en main, ce dernier cesse brutalement de sonner. Soulagé, Marri le reposa et s’apprêtait à retourner dans son lit quand la sonnerie reprit de plus belle. Il grogna et décrocha :
_Allô ! Enonça t-il sur un ton hargneux pour bien montrer qu’on le dérangeait.
_Inspecteur ? C’est Barbara. Je vous réveille ?
_D’après vous ?
    Barbara de Beauchâteau était sa collaboratrice la plus proche, son alter ego au commissariat.
_Excusez-moi, c’est important.
_Ah ouais ? C’est quoi cette fois ? La gamine de 15 ans qui s’est barrée de chez elle en traitant ses parents d’enculés et qu’on doit retrouver ? La vieille folle qui a perdu son chat et qui n’a pas encore compris qu’on était pas là pour ça ? C’est quoi  ?! Un carambolage avec du sang partout sur la chaussée et deux conducteurs bourrés qui se rejettent la faute  ?
_Non, C’est un homicide.
    Marri en resta sans voix. C’étais la première fois qu’il avait affaire à un meurtre. Les rares assassinats qui avaient eut lieu dans sa ville avaient été confiés à ses collègues.
_C’est…C’est sûr ?
_Certain. Une balle en plein cœur il y a quelques heures dans un quartier chic du centre-ville.
_J’arrive.
    Marri enfila un gros pull en laine en guise de manteau, éteignit toutes les lumières et sortit en trombe de son appartement.
    Une fois dans sa voiture, il mit le contact, posa le gyrophare amovible sur le toit et roula à vive allure vers le centre-ville.
    
    De Beauchâteau était déjà sur place. Elle entendit la voiture de Marri arriver, inimitable avec ses amortisseur qui grinçaient au moindre effort. Il se gara dans un bruit de dérapage assez conséquent, puis claqua la portière et se dirigea au pas de course vers elle.
_Alors, où est la victime ?
    De Beauchâteau montra d’un geste du menton en endroit délimité par les traditionnelles bandes jaunes de la police où se dépatouillaient une petites dizaines d’agents de la police scientifique ; quelques uns étaient habillés en blanc tandis que d’autres, ceux qui avaient été réveillés, affichaient un look plus banal. Marri s’approcha doucement et entr’aperçu le cadavre. Un homme d’une trentaine d’année allongée sur le dos, une expression à peu près paisible, légèrement marqué par la surprise. La bouche entrouverte, comme s’il avait cherché de l’air sans en trouver. Une flaque de sang assez conséquente tachait la chaussée sur un peu plus d’un mètres carré. Marri fit quelques pas avant d’être interpellé par une odeur horrible. Guidé par son nez, il découvrit du vomi en plein milieu de la route.
_Avec ce temps, il n’a pas mit longtemps à se refroidir.
    Marri se retourna et tomba nez à nez avec un vieux collègue, de quelques années son aîné.
_Salut Francis. T’es sorti malgré le froid ?
_Un meurtre dans notre ville, ça n’arrive qu’une fois tous les dix ans. J’ai tenu à assister à l’événement.
_T’es là depuis longtemps ?
_J’arrive à l’instant, et qui je vois ? Mon vieux copain Joseph Marri. Comment va tu ? T’as changé d’avis pour ta démission ?
    Marri le regarda droit dans les yeux. Francis avait toujours eut pour habitude de titiller le point qui fait mal.
_C’est pas tes ognons.
    Marri congédia Francis sur ces mots et retourna voir De Beauchâteau.
_Il y a combien de temps qu’il est mort ?
_On ne sait pas encore. Le témoin a appelé il y a un peu moins d’une demi-heure.
_Faudra que je le vois. Dis moi, je pense que la victime était sans doutes bourrée.
_Qu’est ce qui te fais dire ça ?
_Il y a une flaque de vomi au milieu de la route.
_Ah ! C’est le témoin. Un haut le cœur imprévisible, on n’est pas tous habitué aux scènes de crimes sanglantes.
_Bien. Une question en moins. Où est-il ?
_Dans le fourgon, en état de choc. Il tremble de tous ses membres, je te conseille d’attendre un peu.
_Très bien. Je fais farfouiller par ci par là. Vous avez appelé la famille ?
_Le brigadier Verdet s’en charge.

    Sylvie était dans son bain, histoire de calmer son angoisse. Ce n’était pas dans les habitudes de Jason de rentrer si tard en hiver. L’été, les gens s’attardaient à la terrasse et elle comprenait qu’il reste assez tard, bravant parfois la loi sur l’heure de fermeture , mais par ce temps, personne ne s’attardait dans un bar. Sylvie glissa sa tête sous l’eau et retînt longuement sa respiration. Elle ressortit à la limite de l’asphyxie et recommença l’opération une dizaine de fois avant de faire quelques exercices respiratoire. Depuis toutes petite, elle avait toujours voulu faire de la plongée en apnée., elle avait donc prit des cours pour augmenter sa capacité pulmonaire. Le régime était simple : Sport et exercices respiratoires. Tous cela avait donné ses fruits et elle réussissait, quand elle était dans un bon jour, à tenir sans respirer un peu plus de trois minutes, ce qui est le triple d’une personne « normale ».
    D’habitude, respirer ainsi calmait son anxiété, mais ce soir là, la peur était plus forte que le silence reposant qu’on obtient lorsque on a la tête sous l’eau.
    Sylvie se leva, et manqua de glisser. Le tapis de douche était toujours dans l’emballage, Jason avait cru bon de l’acheter mais personne n’avait pour le moment jugé utile de l’installer. elle soupira, saisit sa serviette et se sécha. Ensuite, elle alla dans la cuisine manger un morceau, sa solution numéro deux pour ne pas être inquiète, mais le poulet froid et la mayonnaise avaient un goût de papier dans sa bouche. Enervée, Sylvie prit son téléphone et appela pour la énième fois le portable de son mari. Elle tombait tous le temps sur la messagerie. La jeune femme raccrocha et composa le numéro du bar. Après une dizaine de sonnerie, quand la messagerie s’enclencha, elle raccrocha. Sylvie avait déjà laissé plusieurs messages, autant sur le portable qu’au bar.
    Elle entra dans la chambre de sa fille qui dormait paisiblement. Elle en a de la chance, se dit-elle.
    La jeune femme tourna encore quelques minutes dans sa maison avant d’allumer la télévision. Rien d’intéressant, mais l’avantage quand on regarde l’écran, c’est qu’on ne pense à rien. Ce fut le cas pour Sylvie qui oublia peut à peu ses problèmes pour sombrer dans le téléfilm minable racontant les aventures d’un mari trompeur, le sujet usé jusqu’à la moelle.
    S s’endormit sans s’en rendre compte
    La jeune femme fut réveillée quelques dizaines de minutes plus tard par la sonnerie de son téléphone.
    Elle décrocha.
 

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